Aimé Félix Del Marle, aussi connu sous le nom de Delmarle ou de Mac Del Marle, est originaire de Pont-sur-Sambre dans le Nord de la France. Il a sans doute emprunté le patronyme de sa première femme, Adonia Macq, pour créer le nom "Mac Del Marle" avec lequel il signait ses oeuvres et notamment notre "Passage d'artillerie, Fismes, 20 septembre 1914".

Del Marle est un artiste pluridisciplinaire, indissociable de l'art du XXe siècle. Il était reconnu et loué pour le caractère innovant de ses conceptions artistiques avec des mouvements aussi variés que le Musicalisme, l'Abstraction, le Néo-plasticisme et les Réalités Nouvelles.
Il est surtout l'unique représentant du Futurisme en France.

De retour de Bruxelles en 1913, c'est sa rencontre avec Guillaume Apollinaire à Paris qui l'introduit aux figures de proue de l'avant-garde futuriste : Marinetti et Umberto Boccioni. La même année, il partage son atelier avec Gino Severini au 32 rue Dutot.

1914 est l'année où il expose au 30e Salon des Indépendants à Bruxelles et, où il réalise "Passage d'artillerie" au Front. Il combat pour une utopie du changement radical - idéal qu'il partage avec ses contemporains futuristes. Il rentre un mois après, blessé et désillusionné par les atrocités de la guerre. Il édite alors un journal anti-militariste intitulé "Tac-a-Tac-Teuf-Teuf".
Dès 1917, sa rencontre avec l'artiste Frantisek Kupka, marque sa rupture avec le mouvement futuriste et son adhésion à l'abstraction.

Même si la période futuriste de Del Marle ne dura que quelques années (1913-1917), il fut l'un des importants acteurs du mouvement. Peintre érudit et rigoureux, il était aussi un théoricien attentif. En 1913, il signe ainsi le célèbre Manifeste futuriste à Montmartre : "(...) il y a des morts qu'il faut qu'on tue ! Il faut tuer Montmartre, les derniers moulins vont tomber, les ruelles vieillottes aux allures de béguinage s'écroulent, place à la pioche futuriste ! (...)".

Dirigé contre les paysages folkloriques et tortueux de la butte qui ont inspiré et accueilli toute une tradition picturale, le manifeste de Del Marle fustige le naturalisme d'une peinture qui imite la nature. Dans une perspective de refus de la stabilité, les préceptes du mouvement futuriste auquel adhère Del Marle entendent de ce fait célébrer les formes de la modernité et de l'industrialisation. Cette volonté d'innovation se traduit par le rejet des sujets classiques, comme le nu ou la figuration. Les futuristes créent alors une iconographie nouvelle où la beauté est dans le dynamisme de la ville et ses constructions géométriques, dans l'exaltation de la vitesse et de la machine.

"Passage d'artillerie" concentre les caractéristiques plastiques de cet art d'avant- garde. La représentation trouve ainsi une vérité dans la diffraction des sujets captés en mouvement. Les diagonales tirées vers la droite donnent le sens de la marche des chevaux, des chars et des canons sur les pavés.

On observe la parfaite géométrie des noirs, organisées sur le support brun. Les rehauts de blanc illuminent la composition et dynamisent la scène. Du point de vue du sujet, notre oeuvre semble reprendre, à l'huile et à la gouache, l'oeuvre au fusain, "L'Effort" réalisée une année auparavant. A l'avant-plan, on y voit représenté un cheval qui tire énergiquement un canon, d'un commun effort avec un soldat.

Les annotations au pinceau dans le coin supérieur droit de "Passage d'artillerie" nous portent à croire que la scène est inspirée d'un événement auquel Del Marle aurait assisté en personne : le passage du 110ème commandement d'infanterie, le 20 septembre 1914 à Fismes, une localité à 30 km de Reims.

Dans notre oeuvre "particulièrement admirable" selon Marinetti, la trace visuelle imprimée par le mouvement est ici plus géométrique, la diffraction de l'objet en résulte majeure et la représentation moins figurative que dans "L'Effort" de 1913. L'arrière-plan esquissé évoque, grâce à la compénétration des plans, l'effervescence de la ville.