
KEES VAN DONGEN 1877-1968
91,5 x 69 cm (avec cadre)
En 1904, le jeune Van Dongen est installé à Montmartre. Parallèlement à ses contributions à la presse satirique (L'Assiette au beurre, Le Rire, Froufrou, etc.), l'artiste exerce divers petits métiers et travaille, notamment, pour le cirque ambulant « Chez Marseille ». La vie foraine - en particulier les rituels « d'exhibition » et de « parades » des acteurs - lui inspire une série de dix aquarelles, Les Saltimbanques, qu'il présente en novembre de la même année chez Ambroise Vollard, rue Lafitte, à l'occasion de sa première exposition particulière.
Ces œuvres ne manquent pas de retenir l'attention du critique Louis Vauxcelles, qui les loue en ces termes dans les colonnes de Gil Blas : « Une série de dessins Les Saltimbanques où, La Parade, Marie Cochon, enfin Saucisse et Pépino sont à noter pour la vie intense qui y déborde et le réalisme caricatural de l'exécution ». En 1906, Félix Fénéon, préfacier enthousiaste du catalogue de l'exposition, se porte acquéreur de trois de ces aquarelles - Marie Cochon, La Parade, Saucisse et Pépino - pour le compte de la Galerie Bernheim-Jeune, qui les présente à son tour deux ans plus tard.
L'année 1904 est une date capitale dans la carrière de Van Dongen. Son exposition chez Vollard, ses envois remarqués au Salon des Indépendants puis au Salon d'Automne, signent son entrée officielle dans la vie artistique parisienne. A tout juste 27 ans, soutenu par Paul Signac, Maximilien Luce et Félix Fénéon, le peintre intègre les rangs de l'avant-garde. Le début de la période Montmartroise de Van Dongen est celle de recherches plastiques passionnées, ouvrant déjà la voie au fauvisme.
Il n'est qu'à lire le compte-rendu de l'exposition Vollard par Charles Saulnier dans la Revue universelle de 1905, pour se convaincre de la précocité de l'artiste. Le critique relève, à juste titre, ses audaces chromatiques, qui ne souffrent aucune demi-teinte, son goût « des contrastes violents, des couleurs éclatantes, évocatrices des fanfares bruyantes, des parades pittoresques qu'offrent les spectacles forains ». Et il ajoute : « [L]es parades dessinées à l'encre de Chine et bariolées violemment de teintes d'aquarelles sont des oeuvres curieuses qui doivent retenir l'attention de l'amateur ».
Au contact du monde circassien et de ses artifices, Van Dongen élabore des oeuvres d'une grande force expressive. L'aquarelle de Marie Cochon, brossée d'une main alerte, est un bel exemple des inventions formelles du peintre, qui tire parti de la crudité de l'éclairage électrique pour s'affranchir des demi-teintes. Accentuation des ombres portées, franchise des contrastes et des couleurs, coups de pinceaux vigoureux appuyant les contours au détriment du modelé, et soulignant les courbes sensuelles de l'acrobate, font de ce dessin de jeunesse une oeuvre pré-fauve.
Exhibitions
Galerie Vollard, 15 - 25 novembre 1904, n°13.
Galerie Bernheim-Jeune, 25 novembre - 12 décembre 1908, n°67.
Van Dongen retrouvé : L’Œuvre sur papier, 1895-1912, Museum Boijimans Van Beuningen, Rotterdam.
Musée des Beaux – Arts, Lyon 23 janvier – 6 avril 1997.
Institut Néerlandais, Paris, 17 avril – 8 juin 1997.
Publications
Anita Hopmans, Van Dongen retrouvé : L’Œuvre sur papier, 1895-1912, catalogue d’exposition, Paris, Réunion des musées nationaux, 1997, reproduit p. 200.
Anita Hopmans, Van Dongen. De weg naar succes, Singer Laren - Waanders Uitgevers Zwolle, p. 86-87, n°35, illustré en couleurs.