A partir des années 1930, Herbin se consacre à une peinture entièrement géométrique faite de formes simples en aplats de couleurs pures, alternant avec des formes ondulantes. Bien qu’il se tourne à cette période vers l’abstraction, il conserve une certaine affinité pour la représentation figurative des natures mortes. Peinte en 1937, Nature morte à la nappe fait partie de ses rares œuvres qui dérogent à la règle abstraite. Sur une table au plateau bleu cyan couverte à moitié d’une nappe blanche, Herbin représente des fruits dans une cuisine. Placés harmonieusement sur la table nous trouvons des pommes rouges, une grande cruche noire ainsi que des oranges dans des contenants disposés aux extrémités de la table. Ces éléments se trouvent face à un arrière-plan composé de formes géométriques extrêmement colorées. Bien que figurative, la composition conserve des éléments rappelant le mouvement cubiste notamment par la géométrisation des formes et le rejet de la perspective. Les pommes et les oranges, d’une simplicité parfaite, sont ainsi représentées sous une forme géométrique presque idéale avec des contours nets. Toute illusion de profondeur est abandonnée. Les couleurs sont posées en aplats et les formes sont épurées et simplifiées.
Herbin crée une ambiance visuelle frappante et une réalité nouvelle. Il ne peint pas fidèlement ce qu’il observe mais nous donne sa propre réinterprétation. Le mouvement est ici introduit par l’utilisation de couleurs vives créant de forts contrastes animant la composition. Caractéristiques de sa manière de peindre, les lignes courbes et les formes rondes qui composent les éléments donnent un dynamisme puissant à la composition statique. Pour Herbin, la couleur doit être liée à la forme puisque dans la nature, toutes les manifestations colorées correspondent à une forme appropriée. La couleur se développe avec la forme et celle-ci ne se modifie pas sans que celle-là ne fasse de même.