"Ce qu’il faut dire, ce que je crois, c’est qu’il s’agisse de sculpture ou de peinture, il n’y a que le dessin qui compte". Le dessin est la technique la plus appréciée par Alberto Giacometti tout au long de sa carrière. Il est sa manière à lui de retranscrire ce qu’il observe, ce qui l’interpelle et le sensibilise. Giacometti dessine partout et à tout moment, il dessine pour voir et ne peut rien voir sans dessiner au moins mentalement. En répétant et en discontinuant le trait, il crée un mouvement perpétuel incontournable de son style. La forme n’est jamais immobilisée par un cerne ou bien délimitée par un trait. Elle procède d’une multitude de lignes qui se superposent, se croisent et se démultiplient à l’infini. Réalisé dans les années 1917 – 1918, le présent dessin illustre parfaitement le cheminement artistique de Giacometti. Ici, l’artiste partage une image qui lui est familière. Il représente un vase de fleur dans sa maison de Stampa, en Suisse. Posé sur une table, ce bouquet se compose d’une multitude de lignes horizontales et verticales croisées dans un sens et l’autre. La forme n’est pas limitée par un contour mais s’épanouie entre un bouillonnement de traits enchevêtrés et le blanc de la feuille. En partant d’un sujet simple, Giacometti réalise une œuvre hors du temps où l’espace est à la fois immense et clos. L’objet s’ouvre pour laisser place à l’air et la lumière en suggérant le vide impossible à saisir dans la vie réelle. En jouant avec la contradiction, il donne naissance à un effet d’optique qui caractérisera son œuvre tout au long de sa vie. D’une puissance inégalable, les dessins de Giacometti sont à la base de tout. Sans être préparatoire, c’est sur eux qu’il fonde son travail de peintre et de sculpteur.