YAYOI KUSAMA 1929
Type de cerf-volant : Edo
303 x 187 cm (avec cadre)
Appelés « Cometa » en Espagne, « Tako » au Japon ou encore « Drachen » en Allemagne, les cerfs-volants ainsi nommés chez nous font partie intégrante de notre vie quotidienne.
Ces grands morceaux de papier que les enfants s’amusent à faire voler au gré du vent sont issus d’une longue tradition et considérés en Extrême-Orient comme un véritable art de vivre. Dès le VIIe siècle, en partant de Chine, les cerfs-volants gagnent les îles du Japon où ils deviennent un « art folie » : des milliers de gens lancent ces formes volantes aux couleurs vives à l'occasion des fêtes et festivals. Au XIIe siècle, l'art du cerf-volant se perfectionne pour permettre à l'homme de s'élancer dans les airs. Ces premiers « hommes volants » étaient généralement envoyés en mission d'espionnage lors d'entreprises guerrières. Poursuivant leur voyage à travers l'Inde et l'Arabie, les « Takos » arrivent en Europe où ils perdent la symbolique orientale.
Passionné de culture asiatique, Paul Eubel, directeur de l’institut Goethe à Osaka décida en 1987 de remettre au goût du jour le traditionnel cerf-volant. Il souhaita réunir l’homo Ludens (le joueur) et l’homo Faber (l’artisan) dans un projet d’une envergure internationale. Pour se faire, le professeur contacta les plus grands plasticiens du monde en les invitant à concevoir des œuvres en cerf-volant. Une centaine d'artistes acceptent l'audacieuse proposition et reçoivent le précieux papier washi de facture artisanale. Ce support de haute qualité blanchit avec le temps sous l'effet de la lumière et durcit au bout de quelques dizaines d'années en prenant une consistance similaire au parchemin. Sept formes, parmi les plus fréquemment rencontrées, sont proposées aux artistes. Les uns adoptent les formes issues de la tradition, d'autres imaginent des surfaces nouvelles au risque de voir leurs œuvres rester au sol pour impossibilités techniques.
Intitulé « Fire » le présent cerf-volant fut réalisé par la célèbre artiste Japonaise Yayoi Kusama dans le cadre de ce projet. D’une forme rectangulaire « Edo », il incarne le mélange entre tradition et innovation.
En 1988, la même année Kusama peint l’huile sur toile « Flame of life » dont le motif rouge est identique à celui de son cerf- volant. Dans cette œuvre, la répétition semble naître d’un geste naturel et d’un cheminement intellectuel évident. Bien que ces petites formes organiques végétales se retrouvent délimitées par l’espace, elles semblent ici se dépasser et se démultiplier. Non seulement elles semblent continuer à pousser sous les yeux du spectateur, mais en outre elles déstabilisent notre perception. Ce même phénomène optique peut se retrouver dans la nature. Lorsque nous plongeons en mer vers des bancs de corail : seule la main tendue peut indiquer à la conscience l'échelle réelle des choses. Ce même sentiment de « délimitation » est également éprouvé en regardant ses tableaux. La répétition du même motif introduit une forme d’inquiétude. L’agonie lutte avec l'horreur du vide en trahissant la peur profonde de se retrouver perdu dans l'infini. Le pinceau ainsi devient le médium qui chasse et conjure l'agoraphobie. C'est en vain que l'œil cherche un point de repère et que la raison tente de maîtriser le phénomène en l'interprétant. Sous l'œil du microscope des noyaux cellulaires se divisent et donnent des organismes sans cesse renouvelés, des cellules flabelliformes, qui surgissent en permanence à la surface et vont finalement remplir par myriades tout l’univers : s'agit- il d'une déflagration organique originelle ? ou bien les mille flammèches dansantes de son cerf-volant sont-elles parties d'un feu insatiable qui va s'étendre à l'ensemble du ciel provoquant l'embrasement de l’univers ?
Provenance
Gœthe Institut, Osaka.Ancienne collection de Paul Eubel.
Expositions
L'art prend l'air : Cerf-volants d'artistes, Pictures for the Sky: Art Kites, Bilder für den Himmel. Kunstdrachen.
Japon
The Miyagi Museum, Sendai, 11.06 - 10.07. 1988
Mie Prefectoral Museum, Tsu, 30.07 - 3.11.1988
Shiga Prefectoral Museum of Modern Art, Shiga, 22.10 - 11.12.1988
Himeji City Museum of Art, 03.03 - 28.03.1989
Vernissage du Musée Céleste, Himeji
Hara Museum, ARC, Gunma, 15.04 - 04.06.1989
Shizuoka Prefectural Museum of Art, Shizuoka, 23.07 - 27.08.1989
Nagoya City Art Museum, Nagoya, 05.09 - 01.10.1989
Hiroshima City Museum of Modern Art, Hiroshima, 10.10 - 12.11.1989
Europe
Haus der Kunst, Munich, 16.12.1989 - 18.02.1900
L’art prend l’air, Paris, 21.04 et 22.04.1990
Grande Halle de la Villette, Paris, 24.04 - 01.07.1990
Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf, 13.07 - 06.09.1990
Maison des Artistes, Moscou, 20.09 - 21.10.1990
Deichtorhallen Hambourg, Hambourg, 03.11 - 07.12.1990
Centro de Arte Moderna, Fundaçao Calouste Gulbenkian, Lisbonne, 21.12.1990 - 27.01.1991
Musées Royaux des Beaux-Arts, Bruxelles, 07.02 - 07.04.1991
Neue Nationalgalerie, Staatliche Museen zu Berlin, Berlin, 28.06 - 11.08.1991
Charlottenborg, Copenhague, 24.08 - 29.9.1991
Promotrice delle Belle Arti, Turin, 19.10 - 8.12.1991
Galleria Nazionale d’Arte Moderna e Contemporanea, Rome, 5.3 -17.5.1992
Pabellon de las Artes, Expo Sevilla, Séville, 04.06 - 23.06.1992
Amérique
Musée des Beaux-Arts, Montréal, 17.06 - 26.09.1993
Catalogues
L’art prend l’air, cerf-volant d’artistes, Catalogue d'exposition, Gœthe Institut, Osaka, par Paul Ebel, 1988, reproduit pages 54-56 et pages 348-349, le cerf-volant est reproduit au sol sur la photo, voir p.4.Peintures pour le ciel, cerfs-volants d'artistes, Goethe Institut, Osaka, par Paul Ebel, 1988, reproduit p.54-55.
Bilder für den Himmel. Kunstdrachen, Ein Projekt des Goethe-Instituts Osaka. Katalog der Ausstellungen, Osaka und Düsseldorf, par Paul Ebel, 1989/1990, reproduit pages 314-315.
Pictures for the Sky: Art Kites, Catalogue d'exposition, Goethe Institut Osaka par Paul Ebel, 1992, reproduit p.54-55.
Cette œuvre est enregistrée dans les archives de Yayoi Kusama Inc, Tokyo.